*Un article de notre conférencière Marie-Claude Trudeau.
D’abord, cessons de courir après la différenciation à tout prix. Il semblerait que la quête effrénée de l’unicité ait perdu de son lustre. Ce qui compte vraiment, c’est de répondre aux besoins et aux désirs des client·es. En effet, si vous pensez être unique parce que votre soda peut aussi servir de détergent, vous devriez peut-être reconsidérer votre angle d’attaque. La pertinence pour le client, voilà le vrai Graal.
Les tendances sont séduisantes, mais elles sont aussi trompeuses que des mirages. N’oublions pas cette sagesse d’Alexandra Latendresse, directrice de catégorie breuvages chez Danone, nous rappelant amèrement que 95% des innovations échouent, faute de besoin réel. Ainsi, avant de lancer un produit, posons-nous la question essentielle : répond-il à un besoin véritable ou est-ce le résultat de la pression exercée par des dirigeant·es en quête de croissance, amplifiée par une session d’idéation peut-être trop inspirée?
Par ailleurs, toutes les marques ne doivent pas prétendre sauver le monde. Oui, avoir un brand purpose peut être louable, mais attention à ne pas tomber dans l’excès. Sinon, vous pourriez vous retrouver à prétendre réduire le gaspillage alimentaire avec une marque de mayonnaise, ce qui pourrait sembler, soyons honnêtes, légèrement surdimensionné. Pour les marques aspirant à un engagement social authentique, Joanna Chevalier, directrice de la création chez Never Was Average, conseille : « Avant de soutenir une cause, vérifiez l’alignement avec les valeurs et les intentions de votre marque. Si ce n’est pas un oui clair, mieux vaut s’abstenir. »
Rajeunir une clientèle ou toucher un nouveau segment implique plus que de simples campagnes marketing. Cela nécessite un engagement direct avec la cible, en l’écoutant activement et en l’intégrant dans le développement de produits ou services, tout en veillant à diversifier l’équipe pour refléter cette audience. Gigi Huynh, cheffe stratège innovation et numérique à Radio-Canada, souligne l’importance de cette approche : « On est allé interroger plus de 3 900 jeunes pour mieux les comprendre ». Le succès de RAD, cherchant à rejoindre un public plus jeune en est la preuve du succès.
Quant à la corrélation entre marque et stratégie d’affaires, Émilie Lefebvre-Morasse, vice-présidente marketing et ventes chez Strøm spa nordique nous l’a brillamment illustrée. Une marque forte n’est pas juste un joli logo, c’est une promesse tenue, un lien de confiance et une ressource précieuse dans des moments plus difficiles. « Durant la fermeture en pandémie et malgré l’incertitude, nos client·es ont maintenu leur soutien en achetant des cartes-cadeaux, assurant ainsi une source de revenus en ces temps difficiles. Cela a surtout mis en lumière la profonde confiance et la loyauté qu’ils·elles portent à la marque Strøm spa nordique. », révèle-t-elle. L’équité de marque, loin d’être un casse-tête, peut être un atout stratégique majeur.
Enfin, gardez un œil dans le rétroviseur tout en scrutant l’horizon. Les vieilles recettes du marketing, comme les 4P et les personas, ont encore leur saveur, mais attention à ne pas en faire une cuisine réchauffée, ont souligné les trois panélistes lors du débat sur la validité actuelle de certains concepts théoriques marketing. L’auto-dérision et l’absurde, tout comme l’audio digital, montrent que l’avenir pourrait bien appartenir à ceux·elles qui osent parler de leurs faiblesses en faisant sourire, tout en chuchotant à l’oreille des consommateur·trices.
En conclusion, ce sommet nous enseigne que la stratégie de marque est un art délicat, un équilibre subtil entre tradition et innovation, pertinence et différenciation, sérieux et auto-dérision. Gardons donc l’esprit ouvert, le regard critique et l’humour à portée de main, car dans ce monde de marques, ce n’est pas toujours les plus fort·es qui l’emportent, mais les plus futé·es…