Si on extrapole la statistique tirée du Journal of Behavioral Science au milieu du travail, ce serait pratiquement trois collègues sur quatre qui seraient touchés par ce syndrome à un moment ou à un autre de leur vie.
Ces personnes se trahissent par différents comportements. Ainsi, à la réception d’éloges sur le bon travail accompli, on les entendra rétorquer qu’ils n’ont eu que de la chance, ou encore, que le résultat est attribuable à toute l’équipe ou aux innombrables heures mises dans le projet. Simple humilité, diront certains.
Or, si certains réussissent à dépasser ces pensées négatives à coup d’introspection et de maturité, chez d’autres, celles-ci peuvent devenir carrément invalidantes puisqu'ils finissent par croire à leur propre trame narrative.
«Cette façon de nier la propriété de tout accomplissement personnel, c’est-à-dire d’attribuer le succès à des éléments extérieurs à soi plutôt qu’à notre talent, fait partie de la définition du syndrome de l’imposteur, explique Sylvie Tiffault, conférencière, spécialiste en communications et enseignante en leadership à l’École de technologie supérieure. Ces personnes s’attendent toujours à être démasquées.»
Le genre féminin en souffrirait davantage que les autres. «On l’observe souvent aussi chez les enfants qu’on appelle les surdoués, ajoute-t-elle. Le corollaire de cela, c’est que les gens qui sont moyennement doués, eux, ne se sentiront pas imposteurs et ne douteront pas d’eux-mêmes, tandis que les personnels à haut potentiel, oui.»
Le syndrome de l’imposteur se met en place très tôt dans l’enfance et résulte notamment d’une interprétation erronée des événements.
«Je reviens à la maison avec une moyenne de 92 % pour mon bulletin et mes parents trouvent cela normal parce qu’ils savent que je suis capable, donne-t-elle en exemple. Au lieu de voir ça comme une reconnaissance d’un talent, l’enfant aura plutôt le réflexe inconscient de se dire que s’il était vraiment bon, ses parents auraient très plus contents.»
Le syndrome de l'imposteur résulte notamment d'une interprétation erronée des événements.
Outre cette cause de nature individuelle, le syndrome peut se déclencher en raison de son environnement social et familial, au fil du temps et des comparaisons avec les autres. «Un ami est meilleur que soi en mathématiques, on en conclura que l’on n’est pas bon dans cette discipline parce qu’on sait qu’il est meilleur que nous, illustre celle qui est aussi auteure du livre Choisir et être choisi, qui paraîtra au printemps prochain. On oublie la comparaison et on se bâtit une trame narrative négative seulement avec notre conclusion. »
Si les comparaisons et les défis changent en vieillissant, la trame narrative négative, elle, demeure la même
Deux comportements s’observent généralement chez ces personnes qui cultivent l’imposteur en elles au cours de leur vie: un besoin d’approbation et des exigences plus élevés que chez la moyenne des gens.
Si on ne peut pas, selon l’experte, guérir du syndrome de l’imposteur, on peut à tout le moins le contrôler.
«Avant toute chose, il faut apprendre à faire la différence avec l’histoire qu’on s’est construite et les faits, mentionne Sylvie Tiffault. C’est le travail de toute une vie.»
«Il faut apprendre à faire la différence avec l’histoire qu’on s’est construite et les faits.»
Ensuite, de façon plus concrète, c’est d’arriver à se dire qu’on en a fait assez. Assez d’heures pour peaufiner un projet. Assez de compétences pour accomplir une tâche. «Cela peut se comparer à un régime alimentaire où on souhaiterait contrôler son poids: lorsqu’on dit qu’on a assez mangé, ce n’est pas parce qu’on n’a plus faim, c’est qu’on regarde ce qu’on a mangé dans l’assiette et qu’on juge que c’était suffisant. Les résultats existent indépendamment de notre discours intérieur.»
Une troisième façon de faire taire l’imposteur en soi consiste à demander l’avis de gens honnêtes et bienveillants qui connaissent bien nos compétences et croire ce qu’ils nous disent.
La méditation aide également, de son avis, à entraîner son esprit à observer nos propres réactions.
Si l’on peut s’améliorer soi-même, les dirigeants peuvent également contribuer à contrecarrer les comportements négatifs, notamment en donnant plus d’occasions à leurs employés de faire des tâches dans lesquelles ils excellent, mais aussi en étant au courant des projets sur lesquels ils travaillent.
«La quête de la perfection et de la performance des personnes touchées par le syndrome de l’imposteur sera contrebalancée par cette connexion authentique avec le travail», souligne-t-elle.